Retranscription Cinématographique du Père Goriot
Le Père Goriot de Balzac. |
Le Père Goriot, affiche du film de Jean-Claude Carrière. |
Avant d'entammer l'étude sur la retranscription du Père Goriot, on va faire un résumé intégral, un synopsis du film et une biographie sur l'auteur et le réalisateur, afin d'avoir des connaissances sur l'oeuvre.
A. Résumé du Roman.
Rastignac est un jeune homme de petite noblesse. Il vient à Paris espérant y rencontrer la fortune. Mais il n'a ni l'argent, ni la connaissance de la société parisienne nécessaires.
Une de ses cousines lointaines, Madame de Beauséant, une des dernières grandes dames, le prend sous son aile pour l' aider à appréhender ce monde qu'il ne connait pas. Grâce aux femmes, il va apprendre les moeurs de cette société pervertie et en s'adaptant parviendra à en gravir les échelons.
Cependant dans ce monde déluré, un homme, le Père Goriot, est l'emblème même du désintêressement. Il se sacrifie pour ses filles, qui en retour ne lui offrent que le mépris. Rastignac, touché par le devouement de ce père pour ses filles et voyant comment ces dernières le traitent, comprend cependant que malgré lui il devra s'adapter aux coutûmes de ces gens et agir comme eux pour parvenir au sommet.
B. Synopsis/Informations du film.
Rastignac entreprend de séduire Delphine, mariée au richissime banquier Nucingen, qui vit dans les quartiers dorés de la finance et en devient l'amant. Derrière ce verni rutilant, le jeune homme découvre vite l'égoïsme de sa maîtresse et ses difficultés financières, et tente malgré tout, en vain, de la rapprocher de son père. Mais ses filles adorées viennent une nouvelle fois accabler le vieillard, qui n'a plus aucun moyen de régler leurs dettes.
Quand celui-ci se retrouve seul au Père Lachaise, après l'enterrement misérable de Goriot où ses filles ne se sont même pas dérangées, c'est en toute conscience de son destin qu'il lance depuis les hauteurs du cimetière son défi à Paris : « A nous deux maintenant ! ». Et cyniquement, il s'en va dîner chez sa maîtresse, tout à la fois femme du riche banquier Nucingen, fille du pitoyable Goriot, et clé de son ambition.
Les Biographies.
Élevé loin de sa famille, dans un collège de Vendôme, Honoré de Balzac (1799-1850) se dirige dans un premier temps vers le droit et le notariat avant d’affirmer sa volonté de devenir écrivain en 1819.
Après quelques essais désastreux dans les affaires dont il sort extrêmement endetté, et quelques publications alimentaires, il publie son premier livre sous sa signature en 1829 : Les Chouans.
Reconnu dès 1830, il mène une vie de dandy et est introduit dans les salons parisiens. C’est alors que sont éditées les Premières Scènes de la vie quotidienne.
De 1832 jusqu’à sa mort, Balzac sera un véritable forçat de l’écriture : il passe ses nuits à sa table de travail. Le café, le plus fort possible, l’aide à tenir.
La Comédie humaine rédigée à partir de 1842, rassemble en plusieurs séries des romans formant une fresque de la société et du principal mécanisme qui la fait fonctionner : l’argent, qui corrompt les jeunes gens idéalistes et installe le cynisme.
Plus de 2000 personnages et près de 100 ouvrages sont nécessaires pour bâtir cet édifice qui fait « concurrence à l’état civil », selon le souhait de Balzac lui-même.
Sa seconde passion reste les femmes, rêvées ou bien réelles, dont la principale fut Mme Hanska qu’il finit par épouser après une longue liaison en 1850, lors d’un séjour en Ukraine.
C’est à son retour, épuisé, qu’il s’éteint à Paris le 18 août 1850.
B. Jean-Claude Carrière.
"Le temps, c'est un peu comme le vent. Le vent, on ne le voit pas: on voit les branches qu'il remue, la poussière qu'il soulève. Mais le vent lui-même, personne ne l'a vu."
Né dans un petit village du Sud de la France, Jean-Claude Carrière a fait des études classiques, qui l'ont conduit à l'ENS de Saint-Cloud. Encore étudiant, il publie son premier roman, Lézard, et rencontre Jacques Tati et Pierre Étaix. Il écrit, d'après les films de Tati, Les Vacances de monsieur Hulot, et Mon Oncle, deux livres illustrés par Pierre Étaix.
Ils réalisent alors, ensemble, deux courts-métrages, Rupture et Heureux Anniversaire. Ce dernier remporte un Oscar à Hollywood. L'année suivante, ils écrivent Le Soupirant (prix Louis Delluc), puis Yoyo, Tant qu'on a la santé et Le Grand Amour. À plusieurs reprises, ils travaillent encore ensemble, pour des films et pour des livres.
En 1963, Jean-Claude Carrière rencontre Luis Buñuel, avec qui il travaille pendant vingt ans (Belle de Jour, Le Charme discret de la bourgeoisie, etc). Il collabore aussi avec Milos Forman (Valmont), Volker Schlöndorff (Le Tambour), Andrej Wajda (Danton), Louis Malle (Viva Maria, Milou en Mai), Jacques Deray (La Piscine, Borsalino), Jean-Paul Rappeneau (Cyrano de Bergerac).
À la télévision, il est l'auteur d'une quinzaine de films, parmi lesquels trois 7 d'Or ( La Controverse de Valladolid, entre autres).
Au théâtre, après L'Aide-mémoire, sa première pièce, il a travaillé pendant trente ans avec Peter Brook, écrivant en particulier Le Mahabharata.
Enfin, il n'a jamais cessé d'écrire et de publier des livres. Parmi les plus récents, on peut citer Le Dictionnaire amoureux de l'Inde, Le Vin bourru, et deux essais récents, publiés par Odile Jacob: Fragilité et Tous en scène.
Il a écrit des livrets d'opéra, des chansons. Il a créé et présidé pendant dix ans l'Ecole Nationale de cinéma, la FEMIS. Il est aussi président du Printemps des Comédiens, festival de théâtre de Montpellier et membre du conseil d'administration du musée Guimet. Il est officier de la Légion d'Honneur.
CONTEXTE HISTORIQUE
Les romans "Réalistes" s'identifient aux idéaux rationnels de l'Age des Lumières, mais ils donnent beaucoup plus d'accent sur l'observation et la description de la réalité d'une époque historique. Les réalistes critiquent l'expression individuelle et émotionelle des romantiques. Au lieu de cela, ils cherchent à décrire et à recréer la réalité sociale de leur époque historique. A partir de l'observation systématique de la multiplicité des groupes sociaux et individus de leur époque, ils essaient de décrire en détail des situations et des personnages typiques et de raconter des vies typiques. En dramatisant la vie d'un personnage typique, fictif, ils parlent indirectement de leur époque.
Balzac fait une critique de son époque dans ses oeuvres.
Dans ce livre, on distingue nettement deux catégories de personnes :
- Les Riches : Ils étalent leur richesse au monde entier et décident de l'importance des personnes. Dans ce milieu, il existe beaucoup de mensonges et de trahisons.
- Les Pauvres : Ils sont représentés par la pension médiocre (La pension Vauquer). Leur passe temps favori est celui de critiquer les personnes aisées.
Afin de devenir quelqu’un de respectable dans cette société, il faut qu’une personne de haut rang serve
d’intermédiaire pour l’y introduire. Les personnes mal intentionnées utilisent la corruption pour arriver à leur fins ( Vautrin révèle à Rastignac les dessous de la société (Cf. Le discours de Vautrin) ).
DU LIVRE AU FILM
La première question que l'on se pose est : " Pourquoi avoir retranscrit le Père Goriot? "Balzac semble faire partie de la vie de Jean-Claude Carrière.
Jean-Claude Carrière : " J’ai une admiration immense pour Balzac et l’univers sans fin qu’il a créé. Depuis longtemps, depuis mes études, Balzac m’est très familier. J’ai déjà travaillé avec lui, notamment en adaptant "Les Secrets de la princesse de Cadignan". L’idée du Père Goriot ne se discutait donc même pas !
J’ai une passion particulière pour Balzac mais pas spécialement pour Le Père Goriot, œuvre néanmoins maîtresse et centrale de La Comédie humaine. Je ne l’avais pas lu depuis longtemps. Un soir, vers 21 heures, j’ai pris le livre. À trois heures trente du matin, je le finissais, absolument emporté ! Il y a une pulsion d’écriture que je n’ai jamais rencontrée ailleurs que chez Balzac. Dans la manière de dire les choses, d’apporter telle ou telle situation, il est unique. Ma première réaction fut : « C’est merveilleux ! Mais je ne peux pas le faire ; il y a trop de choses ! »
J’ai relu le roman avec l’idée de trouver un film en transparence. Là, mon opinion a légèrement changé. On pouvait sans nuire au récit réduire certaines scènes comme celle de Vautrin expliquant le monde à Rastignac. Garder la plupart des histoires « annexes » en les resserrant. Je tenais beaucoup, par exemple, à celle, très belle, de Mme de Beauséant. Elle prononce une phrase que j’adore et qui pourrait être en exergue de beaucoup d’œuvres : "Ce monde est un bourbier, tâchons de rester sur les hauteurs." "
Si le film ne néglige aucun fil narratif, il recourt aux procédés habituels de l’adaptation qui visent toujours à simplifier, élaguer, condenser. Une comparaison entre les deux premières séquences du film et les premières pages du roman permet de réfléchir au travail de l’adaptation. La condensation porte sur les personnages et sur les lieux. Dans le roman, Rastignac rencontre Anastasie de Restaud à l’occasion d’un bal donné par Mme de Beauséant, puis il l’aperçoit le matin même dans une rue mal famée sortant de la maison d’un usurier. Il est cruellement éconduit par les Restaud auxquels il rend visite et va se réfugier chez sa cousine Mme de Beauséant afin de lui conter ses déboires. Lors de cette entrevue, la duchesse de Langeais intervient pour révéler à Mme de Beauséant le mariage imminent de son amant. Le scénario du film est plus épuré : Rastignac rend visite à sa cousine pour lui demander sa protection et rencontre dans son salon Delphine qui annonce la publication des bans de l’amant. Ainsi, un personnage et trois lieux sont économisés. Remarquer que si l’adaptation gagne en efficacité, elle réduit considérablement les étapes de l’initiation de Rastignac, le jeune provincial. La comparaison de l’incipit et de la première séquence du film permet d’observer la redistribution des informations dans le film. La longue description de la pension Vauquer est remplacée par une action in medias res : nous assistons à un souper ordinaire et découvrons ainsi la salle à manger avant le salon qui est plus précisément décrit dans le roman. L’accélération dans la description de la salle à manger opérée par le narrateur balzacien offre ainsi au décorateur une liberté plus grande. On retrouve cependant certains éléments mentionnés : la boîte à cases numérotées pour les serviettes, un buffet très ordinaire chargé de vaisselle, des gravures encadrées, une longue table, le poêle vert, les quinquets... L’impression de froid humide est rendue par les mitaines de Vautrin, les châles, les vestes que l’on porte même pendant le repas. L’arrivée anticipée de Rastignac donne l’occasion à Mme Vauquer de prendre en charge la présentation de ses pensionnaires.
Caracterisation des personnages
La caractérisation des personnages de cet univers médiocre composé d’êtres hypocrites comme Poiret ou Mlle Michonneau ou encore puérils comme les étudiants, émergent nettement les deux figures principales du roman : le père Goriot au regard perçant et Vautrin, le colosse aux gestes vifs. L’adaptation choisit d’opposer plus rigoureusement ces deux personnages et d’en faire deux rivaux. Jean-Claude Carrière a même ajouté une scène de dispute entre les deux hommes au sujet de leur fils spirituel, Eugène de Rastignac. Cette rivalité a pour effet de montrer un père Goriot très lucide qui, en tant qu’ancien négociant enrichi pendant la Révolution, ne s’en laisse pas conter. L’opposition est renforcée par l’attribution à chacun d’une mélodie qui le suit tout au long du film : la comptine populaire du Petit Homme gris que Vautrin sifflote avec désinvolture et une mélodie très nostalgique pour le père Goriot qui ne cesse de se repaître d’un passé heureux et idéalisé. Enfin, ces deux personnages sont les seuls à rêver d’un ailleurs : le père Goriot souhaite à deux reprises partir acheter du blé en Ukraine pour gagner de l’argent tandis que Vautrin confie son rêve de rejoindre le "Nouveau Monde" pour régner en millionnaire sur des esclaves.
Cette rivalité entre les deux personnages autour de Rastignac permet de rendre le père Goriot moins pathétique que ne l’est le personnage de Balzac. Il est certes raillé par les pensionnaires qui ignorent son secret mais il n’est plus le souffre-douleur de la pension. Son agonie, du reste, paraît plus sobre que dans le roman. Le vol sordide du médaillon sur le grabat par Mme Vauquer disparaît ; le jeu de Charles Aznavour (Goriot dans le film) reste simple et digne et la caméra montre pudiquement la main blanche du vieillard qui serre dans un geste de paternité la main gantée de noir de Rastignac.
Lieux et décors:Techniques
Dans le film les scenes ont etés tournées en Roumanie alors que les nombreux déplacements de Rastignac dans le roman esquissent une géographie symbolique de Paris opposant les beaux quartiers du faubourg Saint-Germain au quartier pauvre du Val-de-Grâce. Cette opposition est fortement soulignée dans les scènes d’intérieur : salon lumineux et vaste pour la vicomtesse de Beauséant (scènes tournées dans le palais présidentiel de Bucarest) et salle à manger entièrement reconstituée, confinée, aux tons ocres surannés, encombrée de bibelots de goût bourgeois. Mais, dans ce film aux moyens financiers modestes, le Paris préhaussmannien, si important dans le roman, ne peut être que suggéré. Recenser les vues de Paris et observer les procédés employés pour contourner les difficultés de la reconstitution historique. Le film s’ouvre et se ferme sur des représentations picturales de Paris.
Un montage de dessins en sépia est animé par un travelling latéral et par le bruit des chevaux et le bruit des passants. La neige qui tombe en surimpression dynamise ce montage et situe déjà l’action en hiver dans un Paris enseveli par la neige. Un plan sur la plaque de la pension Vauquer à l’angle d’une rue permet d’introduire la fiction en vues réelles. Les jeunes pensionnaires jouent bruyamment dans la rue avant de franchir le seuil de la pension. Les dernières images du film répondent à cette amorce : Eugène de Rastignac se tourne vers Paris pour lui lancer son célèbre défi. Une voix off lit le dernier paragraphe du roman pendant qu’apparaît une peinture représentant Paris vu de Montmartre. Cette peinture vient rappeler que Paris est la toile de fond du roman et invite le spectateur à se replonger dans l’univers balzacien. Les scènes tournées en extérieur sont peu nombreuses et toujours très courtes. La rencontre de Mlle Michonneau et de Poiret avec l’agent de la préfecture de police a lieu dans un parc, mais les images sont vite relayées par une scène d’intérieur dans une taverne. Le jardin du Luxembourg apparaît également dans un court flash-back montrant le père Goriot caché derrière un arbre en train d’admirer ses filles dans leurs promenades mondaines. Dans toutes les scènes extérieures, le cadrage est resserré sur les personnages, le décor montre la nature ensevelie par la neige. Cette dernière permet de masquer tout détail de l’urbanisme moderne anachronique. Enfin, les scènes extérieures montrent toujours un observateur tapi derrière une fenêtre, dans le recoin d’une porte cochère, derrière un arbre... Ce dispositif récurrent souligne l’importance du secret que chacun recèle et que l’autre veut percer. Il contribue également à créer une atmosphère oppressante de manigances sournoises.
Cet univers de confinement et d’intrigues se retrouve également dans le milieu de l’aristocratie. Lors de la soirée aux Italiens, un jeu complexe de regards met en scène l’entremise. Rastignac est présenté à Mme de Nucingen par l’amant de Mme de Beauséant mais cette présentation est observée par cette dernière qui, connaissant bien le poids du regard du public mondain, ne peut compromettre sa réputation en présentant directement son cousin à la femme d’un banquier.
Conclusion
Pour conclure, nous pouvons dire que l'adaptation de Jean-Claude Carrière est variée : fidèle sans aller jusqu'à la vénération, libre sans excès, autrement dit intelligente et subtile. Jean Claude Carrière est notamment parvenu à restituer, à renforcer la complexité psychologique de personnages que les lointains souvenirs de lectures adolescentes avaient figés en figures monolithiques. Rastignac , devenu dans le langage courant le symbole de l'arriviste sans scrupule, est ici traversé par le doute et la compassion ; Vautrin le manipulateur machiavélique est présenté d'abord comme un séducteur à l'intelligence ravageuse ; et l'amour sacrificiel de Goriot pour ses filles apparaît dans ses dimensions pathologiques, masochistes,..
En écho à Balzac qui attachait une grande importance aux personnages dits secondaires de la Comédie humaine, le film fait une belle place aux seconds rôles, en particulier l'avaricieuse mère Vauquer et l'aristocrate bafouée Madame de Beauséant.
Même si on trouve des points favorables, on trouve aussi des points mais défavorables. Dans le film, une scène a eté crée ( celle de la dispute entre Vautrin et Rastignac) et d'autres ont été enlevées car tous les passages ne sont pas décrits. En effet, la description tellement explicite de Balzac ne ferait jamais rentrer toutes les scènes dans un film de deux heures ou plus. C'est pour cela qu'il a du raccourcir quelques passages comme par exemple au début la description de la maison Vauquer, dans le roman elle est completement décrite en commençant par dehors, alors que dans le film on est directement dans la cuisine. Même si le tournage s'est déroulé en Roumanie on peux dire que les decors ont eté bien menés.